Cascades est sur le marché pour le LONG TERME et elle investira temps et argent sur ses actifs d'abord et avant tout afin d'atteindre ses objectifs de croissance pour les actionnaires.
Les marchés financiers devront ainsi se montrer plus patient avec le titre, inscrit à la bourse de Toronto depuis 40 ans.
Plus encore, la papetière de Kingsey Falls s'est montrée impatiente le 10 mai dernier, lors de l'assemblée générale des actionnaires de Cascades qui se tenait à Montréal, face à la réaction de certains d'entre eux : ils sont perplexes quant à la décision de la haute direction de Cascades d'investir jusqu'à 385M$ en 2018 pour actualiser sa plateforme et remplacer des équipements désuets, dont 125 m$ dans le papier tissu.
Alain LemaireC'est d'abord Alain Lemaire, président exécutif du conseil d'administration de la compagnie qui n'a pas caché son agacement face à la question de la perte de valeur du titre en Bourse. Force est de constater qu'en un an, soit entre juillet 2017 et mai 2018, l'action de Cascades est passée de 18$ à 12$.
« Courtiers et financiers sont impatients et visent trop le court terme. Les attentes en 2017 étaient élevées et certains analystes ont été déçus, d'avouer M. Lemaire. Le marché réagit mal aux montants importants investis dans le papier tissu, un segment considéré (à tort?) en décroissance. Or Cascades fait du papier tissu depuis 40 ans et ce segment nous a toujours bien servi. Il s'agit d'un marché porteur qui a soutenu nos performances à travers les années et nous y restons fidèles. C'est notre engagement à long terme, » a-t-il martelé.
Mario PlourdeUn peu plus tard devant les médias, c'est le chef de la direction de Cascades, Mario Plourde, qui enfonçait le clou un peu plus. « Si je crois que l'action de Cascades est sous-évaluée? C'est certain que le titre ne représente pas la valeur de l'entreprise. N'oublions pas que nous occupons des positions enviables sur les marchés du carton-caisse (6e en Amérique du Nord) et du papier hygiénique (5e). Les investisseurs divisés ou perplexes quant à l'ampleur de nos investissements en 2018 ne voient que le court terme. Je crois que ces investissements ne posent pas problème pour les actionnaires à long terme. Cascades a concentré et continuera de concentrer ses énergies dans l'emballage et le papier hygiénique. Nous avons modernisé dans le carton-caisse et sommes en mesure de profiter du commerce électronique florissant, qui favorise l'utilisation de produits d'emballages innovants. Notre stratégie doit maintenant s'étendre au papier tissu, dans lequel il y a du rattrapage à faire. »
De toute évidence, Cascades n'a pas l'intention de reculer. Et pourquoi le ferait-elle? Ses finances sont fondamentalement saines avec une recrudescence des ventes globales et une dette stable et maîtrisée. De plus, la compagnie n'a-t-elle pas pour mission « d'être le fabricant de solutions durables d'emballages d'hygiène et de récupération»? Cela a le mérite d'être clair. C'est d'ailleurs dans cette optique que Cascades a vendu ses parts dans Boralex en 2017, spécialisée dans la production d'énergie par cogénération, pour racheter 200 millions$ en obligations de Cascades. « Boralex n'avait aucune synergie directe avec nous, c'était de l'investissement pur. Nous avons attendu que l'action s'apprécie de façon à refléter la valeur de l'entreprise. Nous avons vendu au bon moment et utilisé le produit de la vente à bon escient, » de conclure Alain Lemaire.
Méli-mélo
Rémunération : Un représentant du MEDAC, le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, est intervenu durant la période de questions de l'assemblée générale annuelle des actionnaires de Cascades et a encensé les hauts dirigeants pour leur politique de rémunération.
Willie Gagnon a en effet souligné le ratio salarial de 33 entre le grand patron de l'entreprise et le salaire moyen des employés, ce qui veut dire que le PDG gagne 33 fois le salaire moyen de ses employés. Le MEDAC juge qu'un ratio acceptable doit se situer entre 20 et 30.
Ce qui a fait dire à Mario Plourde, sur un ton plutôt blagueur bien évidemment, que son salaire était peut-être trop bas!!
ALENA : La question des tarifs douaniers sur certains produits papetiers ne semble pas se poser avec autant d'acuité chez Cascades qu'ailleurs dans l'industrie papetière. Les tarifs ont jusqu'ici visé le bois d'œuvre et le papier journal. Or, Cascades ne consomme que 20% de pâte vierge pour sa production et ne produit pas de papier journal. Ce qui se passe avec l'ALENA n'a donc pas d'impact direct pour l'entreprise.
Fibres recyclées et crise au Québec : Décidément, Cascades, constitue une « créature » un peu spéciale dans l'industrie papetière canadienne et nord-américaine. Elle promouvoit par exemple l'utilisation de la voiture électrique à l'interne; de plus, tout dans l'organisation de son assemblée annuelle des actionnaires le 10 mai respectait le mot d'ordre d'une faible empreinte environnementale (vaisselle réutilisable, serviettes de table faites à 100% de fibres recyclées).
En ce moment, l'entreprise utilise jusqu'à 80% de fibres recyclées pour sa production. Cette fibre coûte cher, mais Cascades profite du fait qu'elle produit autant aux Etats-Unis que de ce côté-ci de la frontière pour amortir la fluctuation de ces coûts. Et la qualité des vieux papiers semble meilleure chez les Américains. Lorsqu'on demande à Mario Plourde de commenter la crise du marché du papier recyclé au Québec, celui-ci ne voit pas de solution à court terme.
« Certains centres de tri ont fait des choix en matière d'exportation en envoyant des matières bas de gamme. Elles vivent avec cette décision. Ce qu'il faut au Québec, c'est d'abord éduquer la population (ce qu'il faut mettre et ne pas mettre dans le bac à recyclage) et moderniser les centres de tri. Nous ne sommes pas dans le triage des vieux papiers mais nous faisons notre possible pour consommer de la fibre locale et encourager l'économie circulaire. Dans cette perspective, nous faisons affaires avec des centres de tri qui génèrent de la qualité. Encore une fois, il s'agit d'un choix environnemental et de nos valeurs sociales. C'est une question de perspective à long terme. »
Décidément, et ce à tous les niveaux, Cascades persiste et signe!
Jaclin Ouellet, Journaliste, Le Maître papetier